TOURNAI Lille Douai
Le lundi qui suit l’ Epiphanie : 9 janvier 2017
Mémoire de la Wallonie, Tournai-Tournaisis, Lucien Jardez (+), D1989/0197/08. Ministère de la Culture et de la Communication (France).
Des origines qui remontent à plus de 700 ans
L’origine de cette tradition n’est pas connue de manière précise mais sa plus ancienne trace remonte au 13ème siècle. Le moine Li Muisis - abbé de Saint-Martin à Tournai - écrit en 1281 : "Selon une ancienne coutume, les citoyens les plus aisés et leurs fils se réunissent fraternellement autour d’une table ronde et élisent un roi".
Le "Lundi parjuré" ou "Lundi perdu" que nous connaissons sous sa forme actuelle remonte à la moitié du 19ème siècle et n’a pas subi de modifications importantes sauf une tendance, née après 1945, à la célébrer en groupe, au restaurant, plutôt qu’en famille comme le veut la tradition.
Cette fête importante dans le calendrier tournaisien a toujours lieu le premier lundi après le 6 janvier, jour de l’Epiphanie*.
La tradition de cette fête du lundi après les Rois remonte en fait à de très anciennes institutions judiciaires du Moyen Age, époque où les seigneurs fonciers avaient leurs propres justices et tenaient leurs propres assises judiciaires en présence de tous les dépendants de leur seigneurie appelés, au jour prescrit, par la cloche paroissiale ou, le cas échéant, par celle du beffroi.
Ces assises, appelées plaids généraux ou franches vérités , se tenaient en plein air, soit sur la place publique, soit même dans le cimetière qui, comme on le sait, entourait l’église paroissiale. Elles avaient pour but de découvrir les crimes qui avaient échappé aux autorités judiciaires. Ceux qui avaient connaissance de meurtres, brigandages, incendies criminels, vols, viols, calomnies, usure, etc... étaient tenus de les déclarer, d’autant plus que serment avait été prêté, qu’on avait, selon l’expression de l’époque juré sur les saints. La date de ces assises était, presque partout, fixée au lundi qui suivait l’Epiphanie que l’on trouve appelé, dans certains textes du Moyen Age, parjure deluns (de dies lunae, jour de la lune).
Le parjure des rois mages ?
Le sens à donner au terme ’parjuré’ a suscité plusieurs explications. Certains font référence aux rois mages qui se sont parjurés en ne revenant pas, comme ils l’avaient promis, afin de préciser à Hérode où ils avaient trouvé l’Enfant Jésus ! Explication pour le moins fantaisiste ! D’autres, faisant référence aux plaids généraux ou franches vérités et pensent que, ce jour-là, certains se parjuraient, malgré leur serment, pour ne pas avoir à se dénoncer l’un l’autre !
Il est plus que probable que le terme "parjuré" a rapport avec la morale, c’est-à-dire avec le serment prêté. On peut très bien donner à parjurer le sens de jurer solennellement, le préfixe ’par’ marquant l’idée de perfection, ainsi qu’il en va pour les verbes parachever (achever parfaitement), parfaire (achever convenablement) ou encore parfournir (fournir en entier). Le jour parjuré était donc celui où l’on devait prêter le grand serment, le serment total.
Quant au terme "lundi perdu", il signifie très simplement que ce jour était perdu pour tous les travaux. En effet, ce lundi-là, le travail était suspendu partout : usines, ateliers et bureaux étaient fermés. On ne va plus jusque là aujourd’hui, mais ’faire lundi perdu’ reste néanmoins une tradition très vivace observée par une très large majorité de la population.
Le repas de ce lundi est une survivance de la grande bombance (bonne chère abondamment servie) à laquelle le seigneur et son personnel judiciaire se livraient à l’issue du plaid et à laquelle participaient les manants eux-mêmes non sans avoir, au préalable, payé leur écot en argent ou en nature !