Le déménagement de Sciences Po va ramener des étudiants dans un quartier qui fut, entre les années 1880 et 1970, le leur.
De ce que l’on appela, un peu rapidement, quartier latin lillois, restent aujourd’hui des édifices plus ou moins fringants, la librairie universitaire Meura, la statue d’Auguste Angellier dans le square de la rue Jeanne-D’Arc et les souvenirs de Marcel Héraud. Entre 1936 et 1944, il a suivi ses études de médecine à Saint-Michel. « Le quartier avait une tout autre allure, les cafés étaient animés le soir. La vie estudiantine était différente, on n’avait pas de voitures. À la maison des étudiants (aujourd’hui détruite), rue de Valmy, on jouait aux cartes ou au billard. » Marcel Héraud, depuis des décennies, n’a de cesse de faire découvrir l’histoire de son quartier.
Car aujourd’hui, on visite Saint-Michel. Dominique LE THANH est l’une des guides-conférencières qui promènent les curieux au gré de ces façades chargées d’histoire. « Pour les universités d’État, on a voulu quelque chose de différent du néogothique de la Catho, raconte-t-elle. Ce sera du néoclassicisme, mais avec une connotation régionaliste, avec des briques. » La construction débute dans les années 1880. Il s’agit de faire contrepoint à l’université catholique, inaugurée en 1877. Cela tombe bien, en brisant ses entraves par l’annexion de Wazemmes, Moulins, Esquermes et Fives, en 1858, Lille a dégagé de vastes espaces à urbaniser. Saint-Michel sera donc le bastion des universités d’État. En 1887, le maire, Géry Legrand, obtient le transfert des facultés de Droit et de Lettres de Douai à Lille. Elles s’installeront rue Angellier, non loin des facs de médecine et de pharma, rue Jean-Bart. Autour gravitent la fac de sciences (place Lebon), l’institut de Sciences naturelles (rue Gosselet), l’institut de chimie (rue Barthelemy-Delespaul), l’institut de physique (rue Gauthier-de-Châtillon) ou l’institut industriel (rue Jeanne-D’Arc). « Les gens du quartier regrettent le temps des étudiants, de l’animation qu’ils apportaient, des cafés et des restaurants », dit Dominique Le Thanh. Animation et...
politisation. En 1962, l’engagement majoritaire de l’université lilloise contre la Guerre d’Algérie vaut à la maison des étudiants d’être visée par un attentat à l’explosif.
Le départ des carabins vers la cité hospitalière, d’abord, le transfert des juristes et des littéraires vers Villeneuve-d’Ascq, ensuite, tourneront une page de l’histoire de Saint-Michel. Demeure une population bourgeoise, installée lors des aménagements hausmanniens du XIXe. « Ce départ des étudiants, ça a été considérable, se souvient Marcel Héraud. C’est ma tristesse de voir l’état de la faculté, rue Jean-Bart.
» Lui n’est jamais parti. Après avoir exercé ici, il s’est installé place Lebon, au sein même de la fac de sciences transformée en logements. Là, dans le jardin, trône le bronze autrefois accroché au fronton, Leçon sur la vie et la mort. • S. B.
vdn 25/03/2009